En bus Greyhound de Vancouver à Seattle

Le 2 juillet 1996 débute un voyage de quatre semaines dans l’ouest des États-Unis à la suite d’une excursion universitaire de trois semaines dans le l’ouest du Canada. Sur les 22 membres de l’excursion, une bonne moitié reste sur le continent américain pour ajouter des congés bien mérités et profiter des du vol déjà payé. Les sous-groupes se sont formés très tôt avant le départ, mais il en restait deux qui avait des projets trop ambitieux pour les autres: loger en tente pour minimiser les frais, maximiser les parcs nationaux à visiter en quatre semaines et donc faire 10000 kilomètres de route. Christian et André se retrouvent pour ce plan. Eva nous accompagne au début pour la visite de Seattle.

Quitter Vancouver

Nous avons réservé une voiture de location à Seattle avant le départ d’Europe pour éviter de traverser la frontière avec le véhicule et aussi à ne pas en avoir à chercher sur place.

Le West Broadway à Vancouver. Photo © André M. Winter

Le West Broadway à Vancouver. Photo © André M. Winter

Visa américain obtenu sur la ligne de bus. Photo © André M. Winter

Visa américain obtenu sur la ligne de bus. Photo © André M. Winter

Après l’achat de tickets de bus pour l’aller simple entre les deux grandes villes, nous changeons nos dollars canadiens un US$. À l’heure prévue, nous pouvons monter dans les bus classiques argentés de la compagnie Greyhound. Le conducteur est très énergique quand il rappelle l’interdiction de transport der des drogues et des armes. Les bagages sont placés (c’est à dire jetés) dans les soutes par des agents de la compagnie. Nous partons enfin. Une femme d’affaires peu charmante énerve le conducteur au point qu’il arrête le bus pour pourvoir rétorquer avec encore plus d’énervement. Une sorte de climatisation est tout le temps allumée, mais l’air qui en sort est tiède et nauséabond. Nous sommes coincés dans ce bus pour quelques heures. Il y a aussi une ligne de train entre Vancouver et Sattle, nous l’utiliserons pour le retour. Son défaut en 1996: il ne fait qu’un aller-retour par jour et nous devons arriver en début d’après-midi pour prendre notre voiture de location.

Au début, nous craignons d’être dans le mauvais bus parce que nous roulons longtemps en direction est sur le Trans-Canada-Highway (CAN-IS 1). Mais le bus tourne finalement pour rejoindre le poste frontière au nord de Blaine. Nous devons tous sortir avec nos bagages, faire apposer un visa dans nos passeports, passer le contrôle des douanes et payer USD6,-. Cela dure 45 minutes et le chauffeur n’est pas content parce que certains ont besoin de plus de temps dans les contrôles. Au moins cela nous offre une pause à l’air frais.

On ne voit pas beaucoup de la route parce que l’on contourne largement la côte pacifique. Nous traversons de longues portions de forêts dans l’État de Washington. Lors d’un arrêt au port de Bellingham, nous voyons le train qui monte vers Vancouver. En avançant vers le sud, l’autoroute devient de plus en plus large. Pourtant tout le monde respecte la vitesse de 55mph. C’est sur huit voies que nous entrons dans la ville de Seattle et sans préavis, nous arrivons à la Main Station. Nous descendons ici en hâte car le bus continue directement vers Los Angeles.

En ville de Seattle

Nous ne sommes plus au Canada, c’est évident. Nous n’avons pas le droit de prendre nos bagages nous-mêmes, l’agent les retire pour les jeter plus loin sur l’asphalte. Nous avons heureusement uniquement du matériel de camping très solide.

La gare routière est en pleine ville et on n’y trouve aucune information touristique. Nous décidons de prendre un taxi pour rejoindre le centre. Mais il n’y a pas de taxis à cette heure. Finalement un chauffeur avec une limousine Buick anonyme s’arrête et prétend être un taxi tout à fait normal. Après être montés, les portières se verrouillent automatiquement (nous sommes en 1996). Nous ne réfléchissons plus à ce que cela nous coûtera, nous espérons simplement arriver à bon port vivants. Mais le chauffeur nous amène bien à la bonne adresse et ce pour seulement USD4,-. Ce n’est pas surprenant, le bureau de la location de voitures se trouve dans le pâté de maisons en face. Voilà nos premiers frais d’apprentissage.

Seattle Downtown National Car Rental

Nous avons réservé la plus petite voiture au centre-ville. C’est un des points qui irritent gravement l’agent à la location de voitures. D’une part nous sommes au bureau de ville où il y a très peu de véhicules contrairement à l’aéroport. Comme ils n’en ont pas d’autre disponible, on nous donne un véhicule trois catégories plus haut avec quatre portes et un coffre contenant aisément nos deux grands sacs à dos. Mais la date de réservation est encore plus méchante: avec le 1er juillet valent les tarifs d’été. Or nous venons le 2 juillet avec une réservation du 30 juin. Notre contrat autorise ce changement de date. On paye donc le tarif basse saison. L’agent est visiblement habitué à des gens d’affaires en regardant pas le prix. Nous oui.

Malheureusement, on ne peut pas abaisser sérieusement les sièges pour dormir dans le véhicule. Le modèle est « GEO » (nous sommes géographes), la couleur rouge métallisée est assez rare et donc facilement repérable sur les parkings des supermarchés. Immatriculé en Washington State. Au début de notre tour, le compteur affiche 21954 miles (35331km).

Rouler au centre-ville avec une boîte automatique

Après les discussions et la paperasse, il faut finalement se mettre au volant et partir. Christian prétend à raison qu’André habite en ville et qu’il y a même fait du taxi. André accepte donc, mais il manque une pédale sous le volant. Quand on lâche la grosse pédale de frein, le véhicule prend une vitesse d’environ 10km/h sans préavis. André sait cela théoriquement, mais n’a aucune pratique. C’est d’autant plus méchant que la voiture est garé sur une rampe donnant directement sur une avenue à quatre voies. Mais les américains sont dociles et on arrive à s’insérer dans la file de droite. Après quelques tours autour de pâtés de maison et quelques freinages à bloc (il ne faut pas utiliser le pied gauche), André sait à peu près quand la voiture accélère et comment se dosent les freins. On ne peut pas faire de bonds car il n’y a pas beaucoup de chevaux sous le capot. La direction assisté est dangereusement facile.

La circulation en ville est à quelques exceptions près claire et régulière. Dans la Downtown, il n’y a que des voies uniques à 2 ou 4 voies et ce indépendamment du terrain. Les feux tricolores se trouvent au coins des trottoirs en face et non pas à la hauteur où l’on doit s’arrêter. Quand on est passé trop vite à une adresse, il suffit de tourner quatre fois à droite. Quand on n’arrive pas à tourner à gauche, on tourne trois fois à droite. L’alternative est d’accélérer franchement et de changer de voie: il est peu probable qu’un deuxième conducteur démarre en même temps sur les chapeaux de roues.

Parkings dans la downtown

Mais nous ne roulons pas pour le plaisir de rouler. Nous voulons rester en ville,  nous avons surtout pris la voiture le plus tôt possible pour y placer nos bagages. Les parkings sont chers, les prix tournent autour de USD10,- par heure. Dans les années 1990, on paye de manière analogue: on gare le véhicule et on relève le numéro de la place. Après, on se rend à la « caisse », c’est un boîtier avec autant de tirelires que de places, et on y met le montant correspondant à la durée désirée. Sans vraiment comprendre comment le système fonctionne, nous y mettons un montant pour deux heures.

L’heure est avancée et on a faim. Dans le marché de la Pike Place, on peut manger à prix raisonnables et sans effet « fast food ». Les salles sont climatisées et on sert quand même de l’eau chlorée glacée, mais la qualité des repas et la fraîcheur des produits est surprenante. En sortant du restaurant, la journée est déjà bien avancée et il ne nous reste que du temps pour nous balader un peu le long du port et près de l’aquarium au bord du Puget Sound.

La silhouette urbaine de Seattle semble presque irréelle. C’est la plus grande ville dans le nord-ouest des États-Unis. Le nom de la ville vient du chef amérindien Seattle (1786–1866) qui est devenu célèbre pour sont discours devenu une des bases des mouvements écologiques de la fin du 20e siècle (bien que le contenu du discours n’est pas prouvé).

Downtown Seattle. Photo © André M. Winter

Downtown Seattle. Photo © André M. Winter

Le dernier but de la journée est de trouver une place pour dormir, c’est à dire un camping. Nous trouvons l’auberge de jeunesse, mais elle est complètement pleine. À l’office de tourisme, nous obtenons une liste de campings autour de la ville. Nous téléphonons à certains, mais les réponses ne sont pas concluantes. Nous prévoyons donc de nous rendre au premier camping à 16 kilomètres à l’est de la ville.

De retour au parking pour prendre la voiture, André se souvient qu’il n’a pas de matelas pour la tente. Nous rajoutons donc quelques dollars à la caisse et on vise un des magasins assez nobles que nous avons vu en arrivant. Il est presque 18 heures et les magasin commencent à fermer, aux USA on ne peut pas tout acheter 24/24h. On trouve finalement un matelas et André prend le plus cher disponible, mais même dans ce magasin, c’est encore 30% de moins cher qu’en Europe pour le même matelas. Ce matelas Thermarest est en 2020 (24 ans) en encore parfait état et en fonction. Cet achat est vraiment fait à la dernière minute parce que nous ne repasserons pas avant une semaine près d’une grande ville avec un choix de magasins semplables.

Camping du Lake Sammamish

Nous quittons la ville en direction ouest avec apparemment tous les gens qui y travaille. Tout ce monde s’engouffre dans la circulation du soir. On traverse le Lake Washington sur le pont Evergreen Floating Bridge (grand ponton flottant) en direction de Bellevue. Nous avons une merveilleuse vue sur le Mount Rainier dans la lueur du soir juste avant le pont. Avec une carte très imprécise, nous quittons l’autoroute à la sortie Issaquah et nous arrivons ainsi vraiment au Camping du Lake Sammamish au coucher du soleil. Ce camping est loin d’être plein. Nous croisons des allemands. On paye USD18,-, c’est assez cher, mais normal à proximité de la ville. La gérante est très sympathique.

On reprend la voiture pour nous rendre à supermarché ouvert 24/24h pour faire le plein pour les jours à venir. Nous avions espéré trouver des cartons pour ranger nos aliments, mais on ne reçoit que des sacs en papier. Comme cela ne change pas, il régnera un éternel bordel sur notre banquette arrière.

Le soir au bord du Lake Sammamish. Photo © André M. Winter

Le soir au bord du Lake Sammamish. Photo © André M. Winter

Le matin du 3 juillet 1996, nous tentons le premier de nos petits déjeuners légendaires au camping. Tout le monde aura toujours ce qui est souhaité: pain, café, cacao, lait chaud, céréales, confitures, pâte à tartiner etc. Dans les quatre semaines à venir se sera toujours un régal. Mis à part deux jours, on aura toujours du lait frais, même dans zones désertiques forcément chaudes au mois de juillet.

Nous replions la tente, mais ne trouvons pas une logique de rangement concluante dans la voiture. Nous prévoyons d’y remédier quand nous ne serons plus qu’a deux. C’est à dire ce soir. Enfin, en théorie.

Seattle Aquarium

Nous retournons en ville pour amener Eva à l’aéroport. Il nous reste du temps pour visiter le grand aquarium avant. Bien sûr, il faut de nouveau garer la voiture au prix fort dans le centre-ville. Ce sera bien mieux dans les semaines suivantes où nous restons majoritairement dans la nature. Le parking couvert de l’Université de Seattle est très étroit et André occasionne une légère rayure sur l’aile arrière gauche. Nous lisons les clauses du contrat de location, mais nous ne pouvons pas en tirer des informations concluantes. On ne payera finalement rien, mais ce ne sera clair que lors de l’arrivée facture Visa fin août.

Une loutre de rivière lors du repas. Photo © André M. Winter

Une loutre de rivière lors du repas. Photo © André M. Winter

L’aquarium est classique, mais très moderne. On passe dans un certain désordre d’un bassin à l’autre et il n’est pas évident de reconnaître une logique géographique ou d’espèces. Mais il est peut être mieux de passer surpris et fasciné d’un bassin à l’autre. Un point très positif: il n’y a pas de mise en scène d’orques dressés. Une construction récente en béton permet de passer dans un tunnel vitré sous des grands bassins où des portions de la côte pacifique sont reproduits. Des requins passent au-dessus de nos têtes. À l’extérieur de trouve une échelle à poissons que des saumons interprètent comme vraie rivière même si elle est très courte. Ils reviennent ici pour pondre après leur long périple dans l’océan. D’un autre tunnel, on voit dans un bassin contenant 100000 jeunes saumons.

Le prix du Seattle Aquarium inclut l’Omnidome, c’est un cinéma panoramique avec un grand écran concave. Nous y voyons « The eruption of Mt. St. Helens ». Il s’agit de vidéos d’origine et de reconstructions de la grande éruption de 1980.

Dôme de verre du Seattle Aquarium. Photo © André M. Winter

Dôme de verre du Seattle Aquarium. Photo © André M. Winter

Quitter la ville

Nous devons nous libérer encore une fois de l’emprise de la ville de Seattle. Nous voulons partir en direction sud et vers le Mount Rainier. L’aéroport Seatac pour déposer Eva se trouve aussi au sud mais pas sur le grand Interstate 5. Or le Highway 99 n’est pas encore terminé. Nous suivons les déviations et arrivons sur le West Seattle Freeway, il nous mène plutôt vers l’ouest et loin de l’aéroport. En tentant de quitter cette grande route, nous arrivons au bout du Duwamish Waterway dans l’Elliott Bay. Il s’agit de l’accès au port industriel de Seattle et non pas d’une baie romantique. Cela nous permet au moins d’avoir une belle vue retour sur la ville. Pour finir, nous suivons les avions atterrissant sans cesse pour nous orienter et nous arrivons enfin à l’aéroport.

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