Sur le Yellowhead Highway entre Prince George et Hazelton

La route du 20 juin 1996 est longue de plus de 500 kilomètres, nous sommes accompagnés d’un professeur local.

Prince George

La ville n’a rien de spécial et elle nous apparaît franchement moche. Historiquement, c’est un fort de la Hudson Bay Company pour le commerce avec les amérindiens. Ce n’est qu’en 1912 que le train arrive ici. La venue de migrants est stoppée par le seconde guerre mondiale. Aujourd’hui c’est surtout un centre de l’industrie forestière. L’université de la ville est entièrement consacrée à ce thème. Le professeur de géographie physique Gottesfeld nous accompagne ce jour. On a donc beaucoup d’information car contrairement aux professeurs qui nous accompagnent, celui-ci connaît vraiment la région.

Un centre-ville manque, beaucoup  de maisons sont en ruines, on sent la pauvreté et les problèmes d’alcool et de drogues. Dans ces zones délaissées, nous croisons beaucoup d’amérindiens. Nous nous croyons ici au fond de la Sibérie. Nous avons des sérieux problèmes pour nous approvisionner. Le parking du supermarché que nous visons est complètement vide, des gens sont installés autour de barbecues et font la grève contre un autre supermarché qui doit ouvrir prochainement.

L’économie forestière est assez absurde. On abat beaucoup plus d’arbres qu’il n’en repousse. Il faut acheminer les troncs de plus de 350 kilomètres pour les mener aux scieries de Prince George. Le site ne sera plus rentable très bientôt. Le climat, le réchauffement, le sol et le manque d’eau ne permettent pas de faire repousser activement une forêt, les sociétés s’en passent donc complètement. Ces forêts appartiennent en grande partie à la province qui pourrait gérer cette exploitation de manière durable. Les perdants de ces saignées sont aussi les amérindiens dont les territoires historiques sont complètement ignorés. Greenpeace a beau être créé à Vancouver, les plus grands crimes économiques et écologiques sont commis devant leur porte.

On utilise aussi hydroélectricité à outrance. Le Nechako River est retenu sur une longueur de plus de 400 kilomètres et l’eau est acheminé par un tunnel à travers les Coast Mountains jusqu’au Pacifique. Avec la différence d’altitude de 800 mètres, on produit énormément d’électricité qui alimente uniquement les fours à aluminium à Kitimat. C’est un des plus grands sites de production d’aluminium du monde, il appartient à Rio Tinto, une société minière internationale pas vraiment connu pour son engagement environnemental et humanitaire.

Petit déjeuner chez McCloud 9

L’hôtel étant sans charme et sans restaurant, on suit l’indication du professeur Gottesfeld. Il veut nous monter un local original où s’arrêtent les routiers. C’est finalement un restaurant en bord de route classique, appelé ici « eatery ». La climatisation bruyante et inutile n’arrange pas les choses. Le professeur commande “all canadian”, c’est un plat utile à tout bûcheron pour au moins trois jours. De notre côté, nous tentons de commander ce qui nous semble être des parts de petit déjeuner classique, mais cela n’est pas forcément couronné de succès. Les céréales « all bran » gonflent dans la bouche et sont de ce fait presque dangereux. Le pain vient sous forme de toasts trempés dans uns sorte de beurre. Nous regrettons vivement les bons ingrédients pour petit déjeuner qui se trouvent dans les vans garés devant le restaurant.

La nouvelle Université de Prince George

Cette école se trouve sur une colline à l’est de la ville. On voit sur Prince George et son industrie forestière. Elle a été ouverte en 1994 et donc construite dans des règles assez  écologiques. Comme à Calgary, des couloirs vitrés relient les bâtiments. Mais l’architecte de Vancouver a aussi introduit des erreurs catastrophiques. Ainsi les portes s’ouvrent sur la cour centrale sans différence de niveau. Elles sont complètement bloqués par les premiers centimètres de neige et ici il en tombe beaucoup. Bien sûr, ce sont aussi des issues de secours.

Le gros des 2000 étudiant suit des études de sylviculture, même pas 1% est d’origine amérindienne. Ces études sont payantes à raison de CND1600,- par an, mais la plupart des étudiants reçoivent des aides jusqu’à 80%.

Les berges du Fraser River

Berge du Fraser River. Photo © André M. Winter

Berge du Fraser River. Photo © André M. Winter

On nous explique ici une séquence de l’ère quaternaire. La rivière recoupe des dépôts lacustres. Tout en haut se trouvent des gravats des dernières glaciations et c’est cette couche qui rend la repousse de la forêt impossible. Les terres de meilleure qualité se trouvent cinq mètres plus bas.

Catastrophe de Lejac sur le lac Fraser

Lejac est un « village moderne d’indiens ». On voit la ruine d’une école pour amérindiens. Le gouvernement canadien a montré ici son ignorance flagrante des peuples natifs. Les ayant complètement ignoré jusqu’aux années 1960 (non sans leur prendre les terres), on force alors les jeunes dans une écoles avec internat sur le modèle européen. On retire les enfants des familles pour les réunir ici. Les enfants ne pouvant pas écrire leurs noms et les enseignants étant incapables de les prononcer, on leur a même enlevé cette dernière identité. Ils reçoivent des noms anglais ou carrément des numéros. Prostitution et viols étaient la règle. Cet expérience est échec total. Le taux de suicide atteint parmi les ex-élèves encore 20%.

Jusqu’aux années 1950, les amérindiens pouvaient subvenir eux-mêmes à leurs besoins. Mais depuis, on leur a enlevé les terres de chasse et de pêche par des routes, des barrages et la déforestation. Ils ne peuvent plus que travailler comme bûcherons et abattre ainsi le dernier reste de forêt qui les si longtemps nourri.

Minde d’Endako

Une des plus grandes mines de molybdène se trouve ici, le professeur canadien rigole parce que les autres mines encore plus grandes se trouvent aussi au Canada.

Bombes volcaniques. Photo © André M. Winter

Bombes volcaniques. Photo © André M. Winter

Au bord de la route, nous trouvons des bombes de basalte de grande taille emprisonnées dans des cendres volcaniques solidifiées.

Soirée à Smithers

Nous quittons le professeur Gottesfeld à Burns Lake. Une longue et fatigante journée géophysique se termine quand nous arrivons dans la ville touristique de Smithers. Le motel Aspen Motor Inn est assez passable, il dispose d’une petite piscine et d’un Whirlpool plus frais que tiède, mais tout cela fait l’affaire pour nos corps et têtes crevés.

Après une première pause, il faut cependant penser à faire des courses. Certains partent en ville à la recherche d’une laverie automatique pour leur linge. D’autres se baladent. Tout cela n’est pas bien coordonné et en nous attablant le soir, nous nous rendons compte que le van parti en ville contient les réserves de vin et pain. Il fait chaud, nous mangeons donc dehors sur les terrasses, mais des gros moustiques nous attaquent. La soirée sera mi-amusante, mi fatigante. À 1 heure du matin, nous rejoignons nos chambres pour commence à chasser les moustiques qui s’y trouvent.

Hazelton

Nous commençons la visite d’une sorte de centre des amérindiens Gitxsan le matin 21 juin 1996.

Laboratoire SIG Gitxsan

Les gouvernements du Canada et de Colombie Britannique sont connus pour leur ignorance envers les population natives. Les conflits sont programmés puisque l’industrie forestière détruit l’environnement naturel dont et dans lequel ils vivent. Il y a certes des réserves, mais celles-ci sont beaucoup trop petites, dans des régions beaucoup trop éloignées et gérés de manière centralisée d’Ottawa.

Les amérindiens ont une définition totalement différente du cadastre et les limites propriétés. Leurs unités sont des zones habitables et exploitables pour subvenir à une tribu de 200 à 300 personnes. Il s’agit donc par exemple d’une vallée y compris ses versants. Les limites sont dans ces cas les crêtes. Mais elles peuvent être plus floues et même variables, car le capital survie concerne aussi le gibier qui peut bouger. À l’intérieur de ces zones et de ces groupes, il n’y a pas d’hiérarchie clairement définie. L’exploitation est cependant toujours faite de manière renouvelable, la moisson, la cueillette ou la chasse doivent être possibles dans les mêmes conditions les années suivantes.

Ces limites amérindiennes ne sont pas reconnus par les gouvernements régionaux et nationaux. Les deux systèmes ne sont pas compatibles et des heurts se produisent dès qu’une province autorise l’abattage massif ou l’établissement de mines. L’industrie forestière est très concentrée au Canada. Quatre sociétés contrôlent 96% des exploitations forestières en Colombie Britannique. Ces sociétés ont bien sûr le bras long en politique régionale et nationale. Quand ils obtiennent un lot, celui-ci est souvent rectangulaire et ignore complètement vallées, montagnes, crêtes,  rivières, réserves de chasse. Comme la forêt ne repousse pas, on abat tout le lot d’un coup laissant une steppe pour une cinquantaine d’années.

Les Gitxsan sont divisés en plusieurs clans et tribus, cela n’améliore pas leur défense. Le gouvernement canadien ne reconnait pas non plus leur système héréditaire basé sur le matriarcat.

Les amérindiens tentent maintenant de battre les gouvernements par leurs propres armes en documentant leur propriété selon leurs règles. Ils produisent aussi des cartes qui servent d’argumentation bien plus claire en justice. Les données viennent souvent des tribus et il n’y  aucune aide. Les amérindiens Gitxsan doivent donc financer leur bureau et leur projets par des études commerciales. Une grande rentrée d’argent leur provient du tourisme.

Musée des Ksan

Des totems, des maisons longues et de l’artisanat est exposé ici,

Village de Maisons longues des Gitxsan. Photo © André M. Winter

Village de Maisons longues des Gitxsan. Photo © André M. Winter

Mât totémique des amérindiens Gitxsan. Photo © André M. Winter

Mât totémique des amérindiens Gitxsan. Photo © André M. Winter

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