Lors de notre randonnée matinale au Pas de l’Aiguille, nous nous sommes arrêtés au Mémorial de la Résistance du Vercors. Nous, Alex et André, sommes autrichiens nés en Allemagne et nous trouvons l’existence et la préservation de ces sites importante et primordiale. Les tendances fascistes actuelles rappellent fort les années 1930: Les actions souvent désespérées des résistants forment une lueur d’espoir dans les temps noirs de la moitié du 20e siècle. Cela doit servir d’exemple dans le présent et dans le futur.
La nécropole nationale se situe à 1609m et rappelle le souvenir de huit résistants tombés entre le 22 et le 24 juillet 1944 lors des combats du Pas de l’Aiguille.
La façade ouest du Vercors se dresse comme une véritable citadelle, il n’y a que peu de passages naturels du pied de la falaise sur le plateau. Ce paysage de falaises calcaire constitue en effet un véritable barrière. Les chefs militaires libres du Vercors espéraient que ce relief serait à lui seul un obstacle. Aussi, devant les besoins impérieux dans d’autres secteurs, avaient-ils installé une défense minimale, comportant une dizaine d’hommes sur chaque pas. Des unités spéciales et bien équipés de troupes de montagne composés d’allemands et d’autrichiens (détachement des « Gebirgsjäger ») attaquent et prennent le 21 juillet 1944 le Pas des Chattons au nord du Pas de l’Aiguille (5km en vol d’oiseau, 11km par les chemins). Les Allemands y installent des mortier et un canon de montagne. Au lieu de tenter de forcer les pas un à un, leur tactique consiste à déborder par les crêtes pour tenir les hauts et encercler les défenseurs français.
Au Pas de l’Aiguille, après une résistance acharnée, 23 maquisards bien armés se réfugient dans une grotte le 22 juillet. Au début, deux parviennent à s’échapper et deux sont tués. Il repoussent l’assaut toute la journée du 23 et jusqu’au petit matin du 24 juillet 1944. À l’aube, alors que les cinq blessés mortels mettent fin à leurs jours, les 18 survivants tentent le tout pour le tout. Profitant du brouillard, ils sortent de la grotte et se jettent dans la pente au nord-est sous les balles ennemies. Leur audace paiera et il échappent au piège. Mais la ligne des pas a cédé. Tous arrivent à regagner Mens et poursuivent leurs combats de la Libération.
Dans les jours qui suivent aux combats, une délégation menée par le maire de Chichilianne est autorisée par les autorités d’occupation allemandes encore présents, à se rendre sur place afin de relever les corps des huit morts et leur offrir une sépulture.
- Albert Albin Algoud, né en 1904, berger et agent de liaison de la Résistance. Il est avec son troupeau au moment d’une attaque, il est mortellement blessé, puis abattu.
- Xavier Boucard, né en 1900, gendarme et soldat des Forces Françaises de l’intérieur, mortellement blessé, il se suicide ne voulant pas tomber aux mains des allemands.
- Gilbert Gallard, né 1923, moniteur alpin, tué lors d’un assaut à la grotte.
- André Guiges, né 1922, positionnée en observation sur la crête et ne pouvant pas se réfugier dans la grotte, il est tué par les allemands tôt le 22 juillet.
- Martial Kauffmann, né 1907, adjudant chef du secteur 8 en Isère, tué le 22 juillet par les allemand en tentant de gagner la grotte où les autres résistants étaient déjà réfugiés.
- Jean Moscone, né 1925, mécanicien, mortellement blessé, il se suicide ne voulant pas tomber aux mains des allemands.
- Gaston Nicolas, né 1921, volontaire dans les équipes civiles de la Résistance, puis dans la compagnie légère, il est mortellement blessé et se suicide ne voulant pas tomber aux mains des allemands.
- René Simiand, né 1921, caporal en chef de la Compagnie légère du Trièves, tué le 23 juillet dans la grotte.
Ils ont tous été inhumés sur place, mais une partie des corps a été déplacée plus tard à la demande des familles.
Dans l’immédiat après-guerre, un comité pour l’érection du monument du Pas de l’Aiguille est constitué. À l’initiative de la mairie de Mens, d’où étaient originaires 22 des 28 hommes présents au moment des combats, des fonds sont regroupés afin de construire un monument en mémoire de ces combattants. Sous la forme d’une croix de Lorraine (symbole de la France libre en opposition à la croix gammée depuis 1940) plantée dans un « V » (victoire et Vercors), celui-ci domine l’alignement des huit tombes. Inauguré en 1947, cet ensemble se dresse au milieu de ce pré karstique.
En surplomb de la nécrople et en direction nord-ouest mène un sentier à la grotte dans laquelle les maquisards ont résisté pendant près de 30 heures. La photo du bas montre les emplacements d’un positon plus loin au sud-est: à gauche se trouve la nécropole. À droite du centre de la photo, on voit une grotte avec un grand trou béant, ce n’est pas la bonne grotte. Il faut suivre le chemin qui descend de celle-ci vers la droite et la bonne grotte se trouve là l’à où le sentier disparaît.
La grotte servant de refuge a une petite ouverture et s’avance principalement vers le fond et vers le bas. Il s’agit d’une petite salle sans aucune autre ramification ou sortie secondaire. Le trou n’est vraiment pas grand, il faut imaginer ici 23 hommes avec leur armement, la repousse des attaques et les blessés.
La plaque commémorative rappelle l’engagement des résistants. Son texte: « Passant, découvre-toi. Ici, les 22, 23, 24 juillet 1944, 25 volontaires du maquis Vercors-Trièves, cernés de tous côtés par un ennemi très supérieur en nombre, ont tenu et lutté pendant 36 heures avec la mort pour seule issue. 7 sont tombés, 18 survivants miraculeusement réchappés mais presque tous blessés ont continué la lutte pour la Libération du Trièves et de la France »
Lors des combats du Pas de l’Aigulle, un berger venu paître son troupeau est abattu avec les résistants en fuite. La croix rappelle le meurtre d’Albert Albin Algoud.
La Résistance du Vercors
Début de la Libération
Le 6 juin 1944, les Alliés débarquent en Normandie. Pour inquiéter l’occupant allemand, la BBC diffuse des messages à mettre en action la Résistance française. Dans le Vercors et dans les régions de Grenoble, de Romans, de Valence, les maquisards et les sédentaires ont entendu la phrase « Le chamois des Alpes bondit. C’est le signal de mobilisation. En quelques jours, des centaines de volontaires affluent des vallées en montant aux plateaux, abandonnant leur travail et leur famille. Ils rejoignent les 500 maquisards déjà présent dans une douzaine de camps dans le Vercors. Ils entrent donc dans l’illégalité et sont considérés comme « terroristes » par les Allemands et les par les collaborateurs français. Tous risquent la torture, la déportation et la mort.
Premier maquis de France
Le pays est en effet opprimé par l’occupation des troupes allemandes. Depuis 1940, la France est dirigée par le Maréchal Pétain qui collabore avec Hitler. L’envahisseur, ainsi que le gouvernement marionnette français installé à Vichy, font régner un climat de terreur, traquant les Juifs, tous les opposants politiques et les réfractaires au STO (le Service du Travail Obligatoire, mis en place par Vichy, fait partir jusqu’à 650000 travailleurs français en Allemagne). Mais dans cette France où règnent la peur, la haine, la lâcheté, des hommes et de femmes de plus en plus nombreux refusent la soumission.
En décembre 1942, le premier camp de maquisard est installé à la ferme d’Ambel au sud-est du Vercors (GPS 44.884233, 5.246123). À partir de 1943, les maquis se multiplient dans le massif long de 60 et large de 30 kilomètres. Vivant dans les bois, dans les cabanes forestières ou sous la tente, les maquisard du Vercors sont ravitaillés par les organisations de la Résistance et par une population favorable.
Un pan militaire
Le Vercors devient également un lieu stratégique dans l’esprit des responsables locaux de la Résistance. Un plan militaire a été mis sur pied, accepté par Jean Moulin puis approuvé à Londres par le Général de Gaulle. Il s’agit du « Plan Montagnards ». L’idée est transformer le Vercors en cheval de Troie pour commandos aéroportés. Au moment du débarquement alliée dans le sud de la France (il viendra seulement le 15 août 1944), des troupes amies seraient lâchés sur le Vercors et iraient occuper les lignes arrières allemands dans la Vallée du Rhône et de l’Isère. Les maquisards interviendraient comme guides et soutiens militaires. Ce plan n’a jamais été appliqué. Il y a quelques parachutages de matériel léger, mais le Vercors se retrouve seul et peu équipé au moment du combat.
Le martyre
À Malleval, aux Ecouges, à Saint-Nizier, les maquisards s’affrontent violemment aux troupes allemandes. Fin juni 1944, ils sont près de 4000 sur le plateau, enthousiastes, attendant une une aide des Alliés et s’exerçant au maniement des armes légères qu’ils ont reçu et proclamant même la République du Vercors le 3 juillet 1944. Mais ce territoire en armes est un défi à l’ennemi, et lest allemands décident d’en finir. À leur commandement se trouve le général Karl Pflaum, originaire de Passau (en Bavière, à la frontière Allemagne-Autriche). Il meurt en 1957 sans jamais avoir été jugé. Il lance 6000 soldats à l’assaut du Vercors. Aucun autre maquis de France n’a mobilisé autant de forces ennemies. L’attaque est générale, par les routes, par les pas qui ne sont franchis qu’à pied et par les airs. À Vassieux, là où auraient dû se poser les Alliés, se posent des planeurs allemands.
Le combat est acharné mais inégal. En moins de trois jours, le Vercors est à genoux. Plus de 600 résistants et une centaine d’allemands sont tués. La population subit la sauvagerie des troupes montagnardes nazies: 201 personnes ont tués ou mortellement blessées, 41 sont déportées, 573 maisons sont incendiées.
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