Les oasis de Tozeur et de Nefta au bord du Sahara

Une journée de Kalaat Es-Senam à Tozeur

La Tunisie est un petit pays à l’échelle de ses pays voisons, mais si on n’a que deux semaines et que l’on voyage avec les transports en public il faut sacrifier certaines journées uniquement pour avancer. En 1996, il n’y a pas internet et surtout pas l’internet mobile. Nous faisons confiance à notre expérience des jours précédents où nous avons relié en une courte journée la capitale à la frontière algérienne. Bien sûr, plus on va vers le sud, plus les services diminuent. Mais en partant tôt de Kalaat, nous arrivons quand même avant la tombée de la nuit au Chott el-Jérid. Nous devons changer de bus à Kasserine, à Gafsa et à Metlaoui.

Cigognes sur le minaret de Kasserine. Photo © André M. Winter

Cigognes sur le minaret de Kasserine. Photo © André M. Winter

Cigognes font ici leurs nids sur les points hauts comme en Europe.

Parfois il s’agit d’attendre un quart d’heure, parfois ce sont deux heures d’attente avec une certaine incertitude quant aux horaires affichés. Il s’agit de près de 400 kilomètres pour lesquels il faut plus de cinq heures en voiture normale. Mais la route est belle et les transports publics marchent finalement à merveille. Nous nous retrouvons dans des bus européens d’antan. Ainsi nous roulons dans un autobus articulé de Mannheim en Allemagne avec toutes les publicités et consignes d’origine en allemand ou un bus Saviem des années 1960 avec lesquels on amenant l’écolier André de Cavalaire au collège de Cogolin, oui ce sont ceux que l’on voit dans les films du Gendarme de Saint-Tropez avec Louis de Funès. Mais tous ces bus sont quelque peu améliorés, sur les trajets à longue distance, on a droit à des vidéos dont un Derrick en noir et blanc en version originale en allemand et sous-titré en arabe.

Au sud-ouest de Kasserine s’ouvre une grande plaine sèche qui est bordé au nord par le parc national du Djebel Chambi.

Djebel Chambi. Photo © André M. Winter

Djebel Chambi. Photo © André M. Winter

Une Peugeot 404 nous suit sur la route P15. Au fond sans doute le Djebel Chambi.

Route P15 au sud Firyanah. Photo © André M. Winter

Route P15 au sud Firyanah. Photo © André M. Winter

Une fine couche de fleurs jaunes recouvre le sol sec. Au fond sans doute le Djebel Younés.

Route dans le désert fleuri entre Feriana et Gafsa. Photo © Leonhard Schwarz

Route dans le désert fleuri entre Feriana et Gafsa. Photo © Leonhard Schwarz

Cette fois-ci au fond sans doute le Djebel Es-Sath.

Désert fleuri entre Gafsa et Metlaoui. Photo © André M. Winter

Désert fleuri entre Gafsa et Metlaoui. Photo © André M. Winter

Arrivée à Tozeur

L’arrivée se fait sans problèmes et à l’heure prévue.

L’une des parties de la ville ancienne est construite en briques d’argile. Les maçons ont créé sur les façades des motifs en relief inspirés des tapis et de la calligraphie. Elles sont posées de façon à augmenter la surface du mur qui se trouve à l’ombre. Les maisons de l’un des plus vieux quartiers de Tozeur (Ouled el-Hadef) sont ainsi dotées de cette architecture, ses petites ruelles datant du 16e siècle formant un véritable labyrinthe. Source: Wikipédia

Maisons en briques posés en relief inspirés de tapis à Tozeur. Photo © Leonhard Schwarz

Maisons en briques posés en relief inspirés de tapis à Tozeur. Photo © Leonhard Schwarz

Sur le chariot se trouve du maïs pour le bétail.

Charrette d'âne à Tozeur. Photo © Leonhard Schwarz

Charrette d’âne à Tozeur. Photo © Leonhard Schwarz

Nous laissons les hôtels européens de côté, ils sont de toute manière fermés pour la plupart. Nous cherchons l’auberge de jeunesse. Celle-ci se trouve au nord-est, et elle est très grande. Nous y sommes seuls, cela devient une habitude. Même si loin au sud, il fait encore très froid dès qu’il n’y a plus de soleil.

L’eau chaude est inconnue dans l’auberge, pourtant le besoin de douche se fait de plus en plus sentir. Le soir, il n’y a plus rien à faire. La chambre bien aérée qui sert de salle de bain commune est froide comme un congélateur et l’eau douches et toute aussi froide. Pourtant la robinetterie est équipée en conduites d’eau froide et chaude. André va voir le concierge qui est en train de rentrer à la maison en nous laissant complètement seuls dans la vaste enceinte. Il répond simplement qu’il n’y pas d’eau chaude en hiver. On en reste à une toilette de chat assez difficile pour le premier soir.

Cette auberge reste cependant notre base pour plusieurs jours. Au début nous explorons les environs à pied et en bus, ensuite nous prenons une voiture de location.

La palmeraie de Tozeur

la palmeraie à l’ouest de la ville est desséchée et manque d’eau depuis les années 1980. On manque apparemment aussi d’eau que l’on pourrait amener ici.

Palmiers morts à Tozeur en 1996. Photo © André M. Winter

Palmiers morts à Tozeur en 1996. Photo © André M. Winter

Les palissades de feuilles de palmier aident à stopper la formation et la progression de dunes en direction de la palmeraie.

Un chameau broute quelques restes d'herbe. Photo © André M. Winter

Un chameau broute quelques restes d’herbe. Photo © André M. Winter

Vue vers l’est avec la ville et la palmeraie qui reste blottie au fond du vallon et qui s’étire à droite (sud-est).

Tozeur et sa palmeraie en 1996. Photo © André M. Winter

Tozeur et sa palmeraie en 1996. Photo © André M. Winter

Tozeur est un peu plus loin du Chott que Nefta. Les monticules d’argile sont appelés belvédère. Les tranchés sont des petits canyons creusés par les sources qui alimentent la palmeraie principale en eau (hors do bord gauche de la photo).

Le Chott el-Jérid vu du Belvédère de Tozeur. Photo © André M. Winter

Le Chott el-Jérid vu du Belvédère de Tozeur. Photo © André M. Winter

Nous connaissons l’existence d’une source chaude à l’ouest de la ville et nous avons prévu de régler ici notre problème de douche. Mais l’espoir de nous y laver est déçu. Tout en haut, l’eau est bouillante et on n’y est pas du tout seuls. Des gens lavaient leur linge tout le long et l’eau était très sale plus loin en aval où la température serait potable. Plus on monte vers la source, les laveurs de linge sont remplacés en baigneurs (avec savon et tout). La photo de gauche est prise tout en haut, même cette place était occupée.

C’est le moment où André se creuse la tête et se souvient de l’eau plus chaude dans les pays du sud durant l’après-midi, c’est-à-dire quand l’eau passe dans les conduites sous le goudron noir des rues. À 15 heures donc en plein après-midi, il interrompt les visites et il prend sa douche à l’auberge de jeunesse. La bâtisse est réchauffée par le soleil et l’eau atteint effectivement une vingtaine de degrés. Ce n’est pas beaucoup, mais toujours mieux que les 10°C du soir de la veille. Leonhard s’y lance aussi, mais il dit qu’il n’a plus eu droit à 20°C.

Le minaret de la mosquée de Tozeur est particulièrement haut pour surpasser les grands palmiers de la palmeraie.

Coucher de soleil sur un dattier . Photo © André M. Winter

Coucher de soleil sur un dattier . Photo © André M. Winter

L’auberge de jeunesse n’offre que des lits et de l’eau froide. Pour boire un thé et manger, nous allons en ville. Comme précisé plus haut, les hôtels de type européens sont fermés ou en travaux. Mis à part une boulangerie, un épicier et un bar rien n’a ouvert surtout tout est fermée la journée à cause du ramadan. En soirée, il y a un peu plus de vie dans le village, mais après un tour dans le centre-ville et comme nous passons six nuits ici, on connaît tout le monde et surtout tout Tozeur connaît les deux touristes voyageant hors saison. Il en résulte quelques rencontres intéressantes.

Il y a bien sûr les classiques mandants et autres vendeurs à la sauvette. Comme au Maroc au mois d’octobre quelques années plus tard, nous sommes les seuls touristes et une multitude de vendeurs désœuvrée a tout son temps pour essayer de vendre quelque chose. Mais on leur fait vite comprendre que nous ne sommes pas riches. Leonhard parle un peu le russe et nous leur signifions que nous logeons à l’auberge de jeunesse. Cela déboute aussi la plupart des vendeurs très assidus de tapis, de tambours ou autres.

Mais nous tombons aussi sur un groupe d’ouvriers qui logent dans un atelier de menuiserie et de tapisserie. Ils sont ouvriers en basse saison et vendeurs ou employés d’hôtels en haute saison. Ils nous invitent à prendre le thé chez eux le premier soir par politesse. On reviendra presque tous les soirs pour y prendre le thé. Nous avons un endroit plus chaleureux pour passer les soirées et nos hôtes en profitent pour apprendre l’allemand. Ils parlent tous très bien français comme André, mais ils nous incitent à parler allemand ou russe pour peaufiner leur connaissances en langues étrangères.

L’oasis de Nefta

À côté de Tozeur de trouve Nefta dont on dit que la palmeraie est plus jolie. En fait cela ne fait pas beaucoup de différence. Le village de Nefta est plus petit et nous semblait bien plus pauvre que Tozeur. Nous entreprenons l’aller et le retour en car public pour les 25 kilomètres que séparent les deux oasis. Nous traversons la palmeraie à pied et nous nous aventurons sur les bords salés du Chott el-Jérid.

Nous descendons du centre directement vers la palmeraie. Nous n’avons pas de carte et aucun plan précis. Le ciel est couvert et il fait assez sombre sous les palmiers. Nous avons des sérieux problèmes pour nos orienter. Les canaux d’irrigation ne permettent pas de passer partout. Sous la pénombre des palmiers, règne un climat frais et doux.

Historiquement, l’eau est rassemblé et partagé par un clepsydre appelé « gaddous », il s’agit d’une horloge à eau, fonctionnant sur le même principe que le sablier. C’est le mathématicien Ibn Chabat qui établit le système de partage au 13e siècle. Aujourd’hui l’eau est encore partagé par les mêmes principes d’égalité. Le sol divisé en d’innombrables petits compartiments pour rependre l’eau.

Détail de l'irrigation de la palmeraie de Nefta. Photo © Leonhard Schwarz

Détail de l’irrigation de la palmeraie de Nefta. Photo © Leonhard Schwarz

En dehors des vallons irrigués, le sable reprend le dessus. Plus loin dans la pleine, le sable et beaucoup de sel sont hostile à toute végétation.

La palmeraie de Nefta en bordure du Chott el-Jérid. Photo © Leonhard Schwarz

La palmeraie de Nefta en bordure du Chott el-Jérid. Photo © Leonhard Schwarz

Nous traversons la palmeraie à pied et nous nous aventurons sur les bords salés du Chott el-Jérid. D’abord il faut traverser une large et pénible ceinture de sable.

La surface de l’intérieur des chotts est celui de sebkhas: couverte d’une croûte argileuse sans végétation, tapis constitué de cristallisations salines diverses et de sable agglomérés, et bordée, à la périphérie et sur des largeurs variables, par une steppe halophile (localement appelée hamdha). Une sebkha est une dépression surcreusée par déflation éolienne, qui élimine les particules d’argile floculées par le sel. La dépression est bordée par des chotts, c’est-à-dire des pâturages salés, qui par extension ont donné leur nom à toute la zone. Source: Wikipédia

Le Chott el-Jérid à Nefta. Photo © Leonhard Schwarz

Le Chott el-Jérid à Nefta. Photo © Leonhard Schwarz

Le Chott el-Jérid est effectivement dangereux, il y a des trous d’eau sous des fines plaques de sel. À l’exception de quelques pistes aménagées, tout déplacement à l’intérieur du chott est imprudent surtout après les pluies quand l’argile s’est transformée en vase. Une route, construite sur une digue traversant le Jérid, relie toutefois Kébili à Tozeur sur 80 kilomètres. Le panneau ci-bas est tout de même étrange.

Panneau Début Chott. Photo © Leonhard Schwarz

Panneau Début Chott. Photo © Leonhard Schwarz

Le Chott el-Jérid (شط الجريد) est situé dans un creux synclinal, à la limite entre les chaînons montagneux tunisiens et la plateforme saharienne. Son altitude est de 15 à 20 mètres au-dessus du niveau de la mer. Le C’est la plus vaste plaine saline ou sebkha tunisienne avec une superficie d’environ 5000 km². Long de près d’une centaine de kilomètres d’est en ouest, il se prolonge à sa pointe orientale par le Chott el-Fejaj. Déployé sur un axe est-ouest entre Nefta à l’ouest et El Hamma à l’est, l’ensemble couvre pratiquement la largeur du Sud tunisien, entre le golfe de Gabès et la frontière algérienne, respectivement distants du chott d’une vingtaine de kilomètres. Le Chott el-Gharsa en Tunisie puis le Chott Melrhir en Algérie terminent cet ensemble de dépressions fermées à évaporation intense. Le Jérid, le Fedjaj et le Gharsa sont de vastes sebkhas. Mais on continuera à les désigner par le nom de chott consacré par l’usage. Source: Wikipédia

Leonhard dans le Chott el-Jérid. Photo © André M. Winter

Leonhard dans le Chott el-Jérid. Photo © André M. Winter

19960216-114500_chott_el-jerid. Photo © Leonhard Schwarz

19960216-114500_chott_el-jerid. Photo © Leonhard Schwarz

Sels et argiles du Chott el-Jérid. Photo © Leonhard Schwarz

Sels et argiles du Chott el-Jérid. Photo © Leonhard Schwarz

Les magasin élémentaires n’ont aucune enseigne. La boucherie a les murs intérieurs peints en rouge, têtes des animaux (chèvre, chameau, mouton) fraîchement abattus sont accrochés à la porte. En tout cas cela nous semble bien plus frais qu’au rayon viandes en Europe.

Nous rentrons ensuite à Tozeur pour manger, prendre le thé chez nos amis et pour dormir dans la grande auberge de jeunesse vide.

No Comments

Leave a Comment

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.