Yellowstone North Loop et le Grand Teton National Park

Nous ne nous serions jamais réveillés le 8 juillet 1996 tout seuls, mais le réveil fait son travail impartial. Il fait très frais et le seul endroit au soleil est cette fois-ci près de la voiture. Comme des reptiles, nous cherchons la chaleur et on prend donc notre petit déjeuner debout devant la voiture. Ce ne sera pas la dernière fois et nous occasionnons forcément des égratignures sur le toit en y posant pots etc.

Nous ne sommes plus aussi pressés que la veille, peut-être parce qu’il faut aussi ranger la tente moite. Durant ce travail forcément désagréable, nous discutions avec un de nos voisins aussi levé à cette heure précoce. Ils sont venus du Michigan pour quelques jours. Après quelques minutes, il nous apprend qu’il était le mois dernier à Vienne en tant que représentant de General Motors. Quand nous lui racontons le reste de notre route projeté, il est très impressionné de ce que nous voulons faire avec notre petite voiture de location. Il nous donne un tuyau pour un site au bord du Grand Canyon qui sera le summum par excellence.

Aujourd’hui, nous prévoyons d’aller voir le reste des sites du Nord Loop, ceux que nous avons ratés sur le South Loup et le Grand Teton National Park. C’est encore très ambitieux, mais nous sommes optimistes même si on a déjà perdu une heure à ranger et à papoter.

Le Petrified Tree

Le premier site est à quelques minutes du camping, il s’agit d’un redwood (arbre sequoia) pétrifié. Ces arbres sont typiques des forêts humides en bordure de l’Océan Pacifique. Il date probablement d’un temps où il n’y avait pas encore de chaîne montagneuse à l’arrière de la côte pacifique. Le tronc transformé en pierre est long de quatre mètres et toujours debout à son emplacement initial. Il n’a jamais été enseveli et c’est assez exceptionnel. Il a donc été pétrifié de son vivant quand la terre où il a grandi a été imbibée d’eau chargée de calcite. Cette eau monte par les racines dans les cellule est les tues peu à peu. Après la mort de l’arbre, l’effet continue par les forces capillaires et le calcaire replace peu à peu les cellules de lignite.

Le Liberty Cap est le cône d’un geyser éteint des Mammoth Hot Springs. Il a dû cracher longtemps et continuellement de l’eau chargée de calcite parce qu’il atteint une hauteur de 11 mètres.

Mammoth Hot Springs

Les terrasses de travertin sur lesquels passe une eau limpide sont un autre site qui  nous fascine. Nous arrivons tôt et avant la plupart des autres visiteurs. Arrivant de l’ouest, on ne peut pas dire de quoi il s’agit, les terrasses blanches et grises ressemblent plutôt à une mine à ciel ouvert. Il n’y a pas de geysers ici, l’eau très chaude coule lentement par-dessus les terrasses et la précipitation de la calcite forme les terrasses. Cette eau vient de grandes profondeurs basaltiques, elle est vieille de 500 ans quand elle remonte ici à la surface. La croissance des terrasses est rapide, elles gagnent jusqu’à 60 centimètres en hauteur par an. Mais tout aussi rapide est la décomposition quand un secteur n’est plus alimenté en eau fraîche. L’érosion commence tout de suite et le blanc écarlate tourne au gris clair. Les bassins formés n’ont pas de grande profondeur, elle ne dépasse jamais 20 centimètres. Le fond des bassins est formé de calcite encore molle. La taille des terrasses varie de minuscule à plusieurs mètres carrés.

White Elephant Back Terrace des Mammoth Hot Springs. Photo © André M. Winter

White Elephant Back Terrace des Mammoth Hot Springs. Photo © André M. Winter

La plus brillante est l’Opal Terrace parce qu’elle est abondamment arrosée d’eau chargée de calcite. Les américains sont ici dans un conflit d’intérêt lors de la conservation d’un immeuble historique (100 ans) et de la préservation de l’évolution naturelle des sources et des dépôts. On a laissé envahir un terrain de tennis mais on tente de sauver l’immeuble avec des sacs de sable.

Plus loin à l’arrière commence un énorme dédale de terrasses. Les chemins aménagés sont parfois aussi englouties par le travertin. Quand l’eau refroidit, des bactéries de couleur variées s’installes comme près des Hot Pots. Le terrain est plus en pente plus loin au sud et les terrasses sont plus hautes. Ici, il y a moins de monde et moins de surveillance des rangers. On peut alors inspecter les terrasses de plus près. Il s’agit d’une masse pâteuse et il faut apparemment longtemps pour qu’elle durcisse.

Mammoth Hot Springs Opal Terrace. Photo © André M. Winter

Mammoth Hot Springs Opal Terrace. Photo © André M. Winter

Dès qu’il n’y a plus d’eau, la décomposition du travertin commence. Des terrasses entières se cassent et tombent, la couleur grise est triste comparé au blanc vivant. Les plantes peinent à se réapproprier le terrain. Nous voyons au bord des terrasses des arbres en train de se pétrifier (ou d’en faire la première étape). L’eau coule vers la forêt et commence sont travail destructeur de vie mais bâtisseur en pétrifiant.

Mammoth Terrace avec terrasses actives et inactives. Photo © André M. Winter

Mammoth Terrace avec terrasses actives et inactives. Photo © André M. Winter

Obsidian Cliffs

Une dizaine de kilomètres plus loin au sud, dans la partie ouest du North Loop, se trouve un site pour les géologues. Nous sommes donc seuls ici. Du verre volcanique est ici visible directement en surface de la roche. Il est bien sûr interdit d’en casser un morceau pour l’emmener, mais ainsi au moins le site n’est pas envahi par les lichens et la végétation.

Roche obsidienne. Photo © André M. Winter

Roche obsidienne. Photo © André M. Winter

Par la suite, nous arrivons dans la zone que nous avions vue en détail le soir le long du Gibson River. On accélère donc la cadence. Nous nous arrêtons seulement Fountain Paint Pot du Lower Geyser Basin où il faisait trop sombre hier. Mais nous ne reconnaissons plus l’endroit. Il est presque midi et le soleil haut n’offre aucun contraste, les couleurs sont fades. Des centaines de personnes grouillent partout. Nous passons donc sans prendre beaucoup de photos.

Le dernier site sur notre liste, la route du Firehole Canyon ne nous impressionne pas spécialement. Nous passons sans nous arrêter à tous les autres sites, au bord du Yellowstone Lake et vers le sud.

Grand Teton National Park

La partie sud du Yellowstone est encore longue et il nous faut longtemps pour attendre l’entrée sud du parc. Le paysage varie entre une belle forêt et un forêt calcinée. Le Lewis Lake et le canyon qui suit apportent une peu de variation. Après la limite du parc du Yellowstone commence directement le parc du Grand Teton. Il y a bien moins de monde ici parce que c’est un parc national essentiellement tournée vers la randonnée et l’escalade. Le parking du Flagg Ranch Visitor Center est presque vide. Tout est plus tranquille. On obtient ici par exemple aussi un plan du Yellowstone gratuitement alors qu’il faut payer pour un deuxième exemplaire dans le parc même. Mais il ne faut pas penser que tout est vide ici, les rares campings du Grand Teton National Park sont les sites de délestage des campings du Yellowstone.

Nous sommes fatigués de tout ce que nous avons fait ce jour et le jour précédent et nous visons le premier camping accessible. Il est bien placé près du Jackson Lake et assez loin de la relative agitation du Colter Bay Visitor Center. Lorsque nous arrivons en début d’après-midi, le Lizard Creek Camp Ground est presque plein, mais les places sont espacées et comme il n’y a pas de services comme des douches, on ne se bouscule pas. Nous prenons une place au fond, même si les grands arbres à l’est nous ombrageront le matin. En voulant retourner à l’entrée pour payer la place, André monte dans la voiture et se rend compte qu’il doit faire seulement 500 mètres alors qu’il est nullement pressé et qu’il ferait bien de marcher un peu après toutes ces heures de route.

Vue du Lizard Creek Campground. Photo © André M. Winter

Vue du Lizard Creek Campground. Photo © André M. Winter

Après le déjeuner vers 14 heures, il serait temps de visiter quelques points de vue ou au moins de faire des courses au Visitor Center. Mais André peut convaincre Christian, que rien faire est aussi une option. Notre effort consiste à descendre à la rive du lac Jackson pour y somnoler, dormir et nous baigner. L’eau du lac est presque chaude, pourtant nous sommes plus haut que le plateau du Yellowstone. La nuit sera aussi bien plus chaude. Nous sommes d’un degré plus loin au sud et apparemment de l’air chaud remonte des déserts de l’Utah.

La vue dans Moose Valley avec sa forme glacière typique est très belle et Christian songe à y faire une randonnée. Mais de tels tours de plusieurs jours ne sont pas permis dans notre programme. Il faudrait aussi organiser des permis spéciaux d’abord

Le Webb Canyon et un ciel orageux qui ne se confirmera pas rendent André mélancolique. Après une soupe en guise de dîner, Christian va dormir. Mais André reste dans la voiture en écoutant la radio (il y a ici une seule station qui ne joue pas uniquement de la musique country) et à écrire une lettre à une amie dont il espère un peu plus…

Nous sommes à peu près à la moité des sept semaines en Amérique.

Le lendemain matin

Après les jours stressants précédents, nous n’activons pas mis de réveil pour le matin du 9 juillet 1996. Mais nous sommes quand même réveillés à six heures par le tonnerre et des gouttes d’eau. Mais ce début d’orage ne se confirme pas et nous restons couchés. Nous ne sortons de nos sacs de couchage que lorsque tout est de nouveau sec. Après un petit déjeuner copieux comme d’habitude, nous rangeons tant bien que mal toute nous affaires dans la voiture. Christian se met au volant et pour la première fois de ce grand tour, nous n’avons pas de plan précis. Notre prochaine étape fixe est un rendez-vous à quelques 500 kilomètres plus loin au sud au Colorado avec une membre de l’excursion au Canada. Mais ni le jour ni l’heure sont fixés. Nous savons que nous devons traverser le Grand Teton National Park et le Wyoming, mais hormis ces vagues indications, nous nous fions aux panneaux touristiques au bord de la route et à l’atlas routier en notre possession.

Ici, au parc national du Grand Teton, nous avons de nouveau la nature simple devant nous, sans geysers ou autres trous fumants. Nous ne voyons pas de traces de feux de forêt. L’établissement de ce parc national s’est fait sans grandes pompes et à l’aide de quelques dons. L’élément marquant est une « marche géologique » marquée par une chaîne de pics orientés du nord au sud et dépassant de plus de 2000 mètres le plateau à l’est. Ce processus continue de nous jours: le plateau, sur lequel nous nous trouvons, continue de s’abaisser. On voit bien une ligne au pied des montagnes à partir du point de vue Teton Glacier Turnout. Le nom du sommet principal est en même temps celui du parc. Il viendrait de Canadiens français membres d’une expédition pour le compte de la Compagnie du Nord-Ouest. Il signifie bien ce que l’on comprend en français: Grand Téton (gros sein).

La photo en bas montre le Mount Moran, 3842 m, au centre. Au fond à gauche: Mount St. John, 3484 mètres, et Mount Woodring, 3533 mètres. À droite: Bivouac Peak, 3299 mètres. Le sommet principal de la chaîne, le Grand Teton, se trouve plus au sud (à gauche).

Grand Teton Range avec le Mount Moran, 3842 m. Photo © André M. Winter

Grand Teton Range avec le Mount Moran, 3842 m. Photo © André M. Winter

Sur la route vers le sud se trouvent plusieurs points de vues avec des parkings (Turnouts). Nous n’en visons que quelques uns, par exemple

  • Leeks Maria au bord du grand Jackson Lake. Il s’agit d’une grande tourbière avec une très bonne vue sur la chaîne des Tetons.
  • Nous rappelant les prix dans le Yellowstone, nous ne nous arrêtons pas au Colter Bay Village pour faire le plein de la voiture et nous espérons tenir jusqu’à Jackson City.
  • Il est possible d’avoir une bonne vue d’ensemble de la Signal Mountain (2314 mètres), il est bien sûr possible d’y monter en voiture. La vue panoramique s’ouvre aussi vers l’est dans la plaine traversée par le Snake River. Nous voyons ici notre premier ours brun. La météo s’arrange, mais le ciel reste chargé de nuages.
  • Au Jenny Lake, le paysage est celui d’une carte postale: au fond les pics enneigés et couverts de glaciers, au moyen plan beaucoup de prés verts et devant un lac sombre avec ces canards.

Nous sommes alors dans la partie sud du parc national et prêts à le quitter sur la grande route, mais au croisement Gros Ventre Junction, nous prenons la petite route parallèle. Elle n’est pas entièrement goudronnée. Il faut préciser que notre contrat de location de la voiture interdit de roule sur les routes non-goudronnées, nous enfreindrons encore souvent à cette interdiction. Nous passons donc entre les collines East Gros Ventre Butte et West Gros Ventre Butte (encore des noms français assez explicites). Cette écart nous permet d’observer des élans.

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